Pourquoi fumer sa viande ?

Si vous cherchez « fumer » de la viande dans le dictionnaire, la définition que vous obtiendrez sera probablement la suivante : La méthode de cuisson qui fait du barbecue un vrai barbecue.

D’accord, ce serait probablement quelque chose d’un peu plus défini que cela.

Lorsque l’on dit « fumer de la viande », on fait référence à l’une des deux méthodes suivantes : la conservation de la viande par une longue exposition à la chaleur et à la fumée, qui la déshydrate et lui confère des propriétés antibactériennes, ou, plus couramment, la cuisson au barbecue.

C’est quoi le fumage

La première méthode est la plus traditionnelle, car elle est utilisée depuis des milliers d’années pour conserver la viande. C’était avant tout une question de santé, pour conserver plus longtemps des aliments, cumulé ou non à l’utilisation d’une saumure et de sel.

Une de ses variations est le fumage à froid, où l’on allume de la sciure ou des copeaux dans son fumoir, pour dégager de la fumée tout en gardant une température basse (pour le saumon fumé par exemple).

Cette méthode, pouvant être qualifiée de fumage à température basse (puisqu’idéalement on ne dégage que quelques degrés), sert à améliorer la conservation des aliments et à leur donner du goût. La sciure ou les copeaux utilisés ne sont pas suffisant à eux-seuls pour dégager une chaleur importante, sauf s’ils sont mal utilisés.

L’utilisation la plus courante du terme est celle du barbecue : la viande est cuite lentement à feu indirect pendant de longues périodes (souvent 12 à 16 heures, parfois plus) dans un fumoir ou une autre installation, tandis que la fumée aromatise la viande et lui donne une saveur et une texture uniques. C’est la méthode dont nous parlons dans cet article.

Si vous y réfléchissez, faire fumer de la viande ou des aliments (au sens de barbecue) dérive de l’un des plus anciens moyens de cuisson utilisés : la cuisson sur un feu ouvert, où la fumée donne naturellement du goût à la viande pendant que la chaleur la cuit. Et qui n’aime pas un bon morceau de steak ou un poisson cuit sur le feu ? C’est une expérience très primitive.

Le saviez-vous ? Une idée fausse très répandue parmi ceux qui ne sont pas au courant est que le « barbecue » désigne toute sorte de viande cuite sur le gril ou sur une flamme nue.

Vous entendrez souvent des gens vous inviter à dire qu’ils vont faire un « barbecue » ce week-end, alors qu’en réalité, ils ne font que griller du poulet et des hamburgers. Le véritable barbecue désigne uniquement une viande cuite lentement à feu indirect, aromatisée par la fumée, jusqu’à ce qu’elle atteigne cet état tendre, juteux et délicat que nous connaissons et aimons tous.

Sinon, ça n’est que de la cuisson au barbecue, puisqu’il n’y a pas de fumage.

Consultez mon guide sur comment fumer une viande au barbecue.

Qu’est ce qui rend la viande fumée si bonne ?

Nous serons les premiers à admettre que le fumage n’est pas exactement un processus rapide et facile. Il faut parfois toute la journée (et même toute la nuit) pour obtenir une épaule de porc ou une poitrine de bœuf de grande taille parfaitement cuite dans un fumoir, et cela demande beaucoup d’attention, surtout si l’on débute. Si vous êtes plutôt du genre à saisir et servir, le processus peut vous ennuyer. Alors pourquoi s’en préoccuper ?

Il existe plusieurs raisons de fumer un morceau de viande au lieu de le cuire à feu direct, même si cela demande beaucoup d’efforts. La première raison, et peut-être la plus importante, est la saveur du fumage.

Saveur

Lorsque la viande reste au-dessus de la flamme, elle absorbe la saveur épaisse, légèrement acidulée et réconfortante de la fumée elle-même, créant ainsi une saveur unique, entièrement naturelle et, osons le dire, fumée.

Les gens font cela pour cuisiner et aromatiser leurs aliments depuis des milliers d’années, mais grâce à la science, nous pouvons (jusqu’à un certain point) vous dire pourquoi les aliments fumés ont si bon goût. La fumée contient plus de 100 composés et phénols différents.

Certains d’entre eux sont des solides, comme les cendres. D’autres sont des gaz, comme le monoxyde et le dioxyde de carbone. Et certains sont liquides, comme la vapeur d’eau. Le contenu exact de la fumée dépend du bois qui brûle, de la quantité d’humidité qu’il contient et même de la quantité d’oxygène disponible pour le feu.

Une grande partie de l’odeur et de la saveur que nous associons habituellement à la « fumée » provient des composés syringol et guaiacol, respectivement. Plus la quantité de ces composés absorbés par la viande est importante, plus le goût est « fumé ».

Créer un maximum de syringol et de guiacol est peut-être trop compliqué pour la plupart d’entre nous, mais nous pouvons contrôler la quantité de fumée que nous créons à l’intérieur de nos fumoirs. Les méthodes consistent à limiter la quantité d’oxygène et d’air entrant dans le feu et faire brûler le bois doucement pour créer plus de fumée.

Bien entendu, il ne faut pas créer trop de fumée. Cela donne une saveur très amère et acide qui peut rendre votre viande désagréable à manger, même le boeuf qui peut pourtant en absorber bien plus que des recettes plus délicates, comme du poisson.

Le bark / La croûte

L’absorption de la fumée par la viande contribue également à la formation de l’écorce, cette texture sombre, moelleuse, épicée et piquante, semblable à une croûte, qui se forme à l’extérieur de la viande pendant le processus de fumage.

Le bark est considéré comme l’une des parties les plus savoureuses de la viande et constitue un élément important de l’évaluation des viandes fumées en compétition. Elle se forme lorsque la fumée réagit avec la viande, l’humidité et le mélange d’épices dans ce que l’on appelle la réaction de Maillard.

C’est un réel plus sur les recettes de fumage, et souvent la partie préférée des pitmasters (ceux qui utilisent un fumoir aux USA).

Une viande plus tendre

Le deuxième avantage du fumage de la viande est qu’il permet d’obtenir un morceau de viande plus tendre et beaucoup plus doux, grâce à son processus de cuisson slow et low unique à ces recettes.

La cuisson à feu vif a tendance à dessécher la viande très rapidement. Toute l’eau contenue dans la viande est essentiellement éliminée, ce qui la rend dure, sèche et difficile à mâcher.

Pour les viandes délicates ou les poissons, la cuisson à feu vif signifie également que vous avez moins de contrôle sur le produit final, car la température interne peut rapidement dépasser la température souhaitée avant que vous ne vous en rendiez compte.

En revanche, le fumage lent de la viande empêche l’humidité de s’évaporer trop rapidement, ce qui vous permet d’obtenir la combinaison parfaite de tendreté et de jutosité.

Plus important encore, la cuisson slow and low permet aux graisses et au tissu conjonctif – les collagènes – de la viande de se décomposer lentement (fonte) en quelque chose de mou. Le collagène a un point de fusion très élevé et, lorsqu’il est cuit trop rapidement, il se dessèche et se durcit pour devenir quelque chose qui ressemble à du caoutchouc au toucher et au goût, et qui est tout aussi difficile à mâcher.

La cuisson lente, en revanche, donne au collagène le temps de s’assouplir et de fondre, pour donner une texture molle, semblable à de la gélatine. Le résultat ? Un morceau super doux, juteux et tendre que l’on peut séparer et déguster. Elle sera également pleine de la saveur naturelle de la viande, avec l’agrément du goût fumé. C’est une expérience culinaire délectable, qui fond dans la bouche.

C’est pour cela que le barbecue a été inventé, en fait. Selon la tradition, les habitants des îles des Caraïbes, qui ne pouvaient pas se permettre d’acheter des morceaux de viande plus chers et plus tendres, ont simplement imaginé un moyen de rendre les morceaux plus durs et plus moelleux (comme l’épaule de porc ou le brisket) plus tendres et réellement comestibles : ils les faisaient cuire à feu doux pendant des heures, sur un pit ouvert ou un fumoir, jusqu’à ce que tout le collagène ait fondu.

Faire fumer des produits, c’est également les rendre plus tendres, sauf si vous faites fumer à froid, puisqu’il n’y a pas de cuisson pour influencer la texture de la viande ou du poisson.

Le fumage par rapport aux autres techniques

La différence avec les grillades

La cuisson au grill consiste à cuire des aliments en les exposant à une chaleur élevée et directe provenant d’une flamme nue. Les grills peuvent utiliser du gaz, du charbon de bois ou du bois pour créer cette flamme.

Chacun de ces combustibles a ses propres propriétés de cuisson et crée sa propre saveur unique ; la cuisson au bois et au charbon de bois crée une saveur de fumée plus forte que la cuisson au gaz (puisque le gaz se fume pas).

La cuisson directe a pour but de saisir la viande et générer une caramélisation. Bien faite, la saisie est comme une version atténuée du bark généré par le fumage. Avec un peu de chance, l’intérieur est également juteux et tendre (pour en savoir plus lisez mon guide sur la cuisson directe).

La cuisson par grillade est plus chaude et plus directe que le fumage, souvent à des températures de 500°F/260°C ou 600°F/315°C. Si l’on n’y prend garde, elle peut rapidement dessécher ou surcharger les viandes si l’on n’utilise pas la bonne technique.

La différence avec le rôtissage

Le rôtissage consiste à faire rôtir la viande sur le barbecue, en utilisant ledit appareil comme un four pour créer une chaleur indirecte par convection ; vous augmentez la chaleur sur les côtés (soit en empilant du charbon de bois, soit en utilisant les brûleurs) pour chauffer le bbq jusqu’à 300°F ou 400°F degrés (150°C à 205°C), tout en laissant le milieu plus froid pour pouvoir y placer la viande. Le couvercle est laissé, pour emprisonner la chaleur comme dans un four.

Cette méthode est proche de celle du fumage de la viande. La différence est l’absence de fumée, qui ne transmet pas sa saveur à la viande. Le rôti absorbera accidentellement une partie de la saveur de la flamme de charbon de bois ou de gaz, mais seulement une infime quantité – pas la fumée forte, qui forme le bark, utilisée pour les viandes cuites au barbecue.

Vous pouvez également, grâce à des boites spéciales, faire fumer de la sciure ou des copeaux de bois pour donner plus de goût à vos produits rôtis.

La différence avec le braisage

Le braisage consiste à faire revenir un morceau de viande dans de la graisse ou de l’huile, puis à le faire mijoter à feu doux dans un liquide (peut-être la même graisse ou huile, peut-être du vin) pendant un temps un peu plus long.

Cela permet d’obtenir une pièce de viande plus tendre, plus juteuse et plus tendre – semblable à la viande tendre et succulente obtenue au barbecue – et lui permet de gagner beaucoup de saveur. Cette méthode est souvent utilisée pour les morceaux de viande plus durs, mais elle convient parfaitement à tout ce qui est tendre et savoureux.

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A propos de l'auteur : Bruno Hug
Bruno Hug, Team BBQ Québec

Je suis un passionné de cuisine, avec une prédilection pour le barbecue, m'inspirant des techniques des Pitmasters américains et atteignant un niveau d'expertise en matière de barbecue et de fumage.

Mon aventure culinaire m'a conduit en 2018 à participer à l'American Royal de Kansas City, où mon équipe et moi-même nous sommes distingués dans plusieurs épreuves.

Certains me reconnaîtront peut-être grâce à un site que je gère depuis plus de 10 ans, "www.recette-americaine.com", et pour lequel j'ai également publié un livre disponible sur Amazon.

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